De manière générale, Cillian est un garçon très calme et patient, typiquement du genre à rester assit à table lors des réunions de famille et à écouter ce qui se dit attentivement plutôt qu'à chercher quelque chose d'autre à faire. Sur un autre plan, on aurait tendance à lui faire confiance en raison de sa maturité et de son sens des responsabilités, mais c'est surtout sa douceur qui perturbe la plupart des gens qui lui adressent la parole. Concrètement, il a tout du garçon ennuyeux à qui vos parents rêveraient de vous marier et de qui vous penseriez intérieurement qu'il doit être gay. "Mais."

Mais, quand on gratte un peu la surface, on se rend vite compte qu'il y a clairement un truc qui ne va pas chez ce garçon et qu'il peut tout à fait rivaliser avec sa sœur et son frère en matière de caractère difficile. Ne vous avisez même pas de le prendre pour un imbécile, car il ne lui faudrait pas plus d'une semaine pour manipuler votre entourage et le retourner contre vous afin de se venger sans avoir l'air de rien... l'habit ne fait effectivement pas le moine et la gueule d'ange n'équivaut pas à l'innocence-même. On fait beaucoup de choses avec son physique, certes, mais ce dont est capable l'esprit dépasse souvent ces atouts, au risque et périls de ceux qui risquent d'en faire l'expérience.

Enfin bref... pour le moment, Cillian est totalement désorganisé dans son esprit suite à son blackout (frère décédé et hospitalisation en institut psychiatrique durant ce laps de temps) et ses réactions n'ont absolument aucun rapport avec son comportement 'habituel'. Le mot "perdu" lui va comme un gant et son discours est généralement plus que décousu. Soit ce qu'il raconte est incompréhensible, soit il se montre agressif, soit il ne parle pas du tout et se réfugie dans une forme d'autisme dont il ne sort que lorsque les situations qui lui sont difficiles à faire face se sont écartées.

J’ouvris lentement les yeux et commençais à m’étirer de tout mon long en baillant. Au vu du calme qu’il y avait dans la pièce et de la couleur claire des murs, il devait sans doute s’agir d’un hôpital. Oh, je n’étais même pas surpris, en fait… vu la tempête qui avait fait rage, il devait s’être passé quelque chose et j’avais fini par être blessé. Voila. Je ne m’inquiétais pas plus que ça, étant depuis toujours une personne au sang froid qui avait la capacité à réfléchir avant de réagir. Réfléchir et penser… c’est ce que je faisais de mieux, et parfois ça n’était pas à mon avantage lorsque je commençais à psychoter au sujet de quelque chose.

Je me redressais calmement et jetais un coup d’œil autour de moi pour tenter de me repérer quelques peu. Déjà là, il y avait un problème. La fenêtre de la chambre se trouvait tout en haut du mur et la pièce était quasiment vide en dehors des quelques meubles sans angles qui semblaient fixés au sol. Je ne comprenais pas tout à fait ce qui se passait, mais une pièce pareille ne pouvait se trouver ni dans ma maison, ni dans une clinique de soins médicaux. L’incompréhension ne faisait que grandir en moi au fur et à mesure que j’émergeais de mon sommeil et je sentis peu à peu mon rythme cardiaque s’emballer. Où est-ce que je me trouvais, bon sang ?

Je finis par me lever et me dirigeais ensuite vers la porte de sortie pour l’ouvrir et quitter l’endroit où je me trouvais… mais là encore, j’eus une très mauvaise surprise : elle était verrouillée. Merde ! C’était quoi ce bordel ? Qu’est-ce que je faisais ici ? Où était ma famille ? Quel jour était-on ? Comme par magie, j’entendis quelqu’un s’approcher et s’arrêter de l’autre côté du mur. Par mesure de précaution, je reculais donc pour éviter de me recevoir la porte dans la figure. Là, une femme d’une quarantaine d’années entra dans la pièce après m’avoir accordé un sourire et m’avoir demandé « comment j’allais aujourd’hui » sans avoir l’air d’attendre une réponse de ma part.

« Madame, où est-ce que je suis ? »

Mon interlocutrice se tourna vers moi avec de grands yeux et eu du mal à retenir un second sourire plein d’espoir. Il lui fallut quelques secondes avant de parvenir à me répondre, comme si ma question constituait un événement historique à célébrer.

« De retour chez toi, après un long voyage… »

Je penchais la tête sur le côté en plissant les paupières. De quoi est-ce qu’elle me parlait, encore ? Je l’observais sortir un dossier et prendre des notes alors qu’elle me demandait d’aller m’asseoir sur mon lit, ce que je ne fis pas. Au fond de moi, je commençais à comprendre ce qui se passait ici et je n’aimais pas du tout l’idée qu’il s’agisse de la réalité, alors pendant qu’elle écrivait, je me suis dépêché de quitter de la pièce restée entrouverte. Là, un couloir ainsi que d’autres portes s’offrirent à moi. J’étais totalement désorienté mais continuais ma route malgré tout, jusqu’à ce que deux types habillés en tenues de sécurité arrivent dans ma direction et m’arrêtent purement et simplement en me soulevant du sol. Crier ne me servit à rien, me débattre non plus, alors je finis par fondre en larmes à cause de la peur et du désespoir qui s’insinuait déjà en moi vis-à-vis de ma situation. Je voulais rentrer à la maison… je voulais voir ma famille et non des visages étrangers, je voulais qu’on m’explique ce qui m’arrivait et qu’on me dise pourquoi je me trouvais dans une clinique psychiatrique, puis-ce que c’était bien de ça qu’il s’agissait.



Voila le topo… on s’entête à vouloir me faire comprendre que mon frère jumeaux est décédé le soir de la tempête, que c’était il y a cinq ans et qu’après ça, j’ai soi-disant commencé à me comporter de plus en plus bizarrement jusqu’à arrêter de communiquer avec mon entourage purement et simplement. N’importe quoi. Je refuse qu’on me traite de dérangé, parce que je ne le suis pas et que je ne me souviens de rien de tout ça! Je ne parle pas tout seul, je ne m’isole pas de la réalité et je n’ai absolument pas de tendances suicidaires malgré les marques qu’on peut éventuellement trouver sur mon corps à certains endroits. En attendant, les médecins ne semblent pas vouloir me faire sortir d’ici tant qu’ils ne seront pas sûrs que je ne vais « pas faire de rechute », alors du coup je vois des psy tous les jours. Ca m’énerve… je me sens pris au piège et je me demande bien qui a pu me mettre là-dedans. Tout ce que je veux, c’est partir et revoir mes proches. Surtout mon frère et ma sœur.