WHO I AM J'étais une énigme pour ma femme. Une complexité. Parce qu'elle n'arrivait jamais à me cerner. Ou finissait toujours par découvrir une nouvelle facette. Cela l'agaçait. Et en même temps, elle adorait. Elle estimait que c'était cette complexité qui faisait que notre couple au fil des ans ne s'abimait pas. Que nous étions toujours aussi amoureux l'un de l'autre. Et que l'on arrivait toujours à être heureux. Parce que j'étais curieux de découvrir pleins de choses, mais que je savais me montrer stable pour l'essentiel. Parce que je suis peu bavard et expansif mais que je sais tenir une longue conversation et débattre de tout et de rien. Parce que je suis généreux, mais pas naïf. Parce que je suis loyal, mais dès que je suis déçu de quelqu'un, je tourne le dos. Parce que je suis sociable, mais que je n'ai pas besoin de mille amis pour être épanoui. Parce que je suis droit et juste, mais que je laisse des libertés à ma fille quand je le juge possible. Parce que je suis patient et observateur, mais que je peux m'emballer aussi vite et devenir impulsif. J'aurais tendance à dire que je suis comme tout le monde au fond. On se découvre pleins de défauts et de qualités au fil des années et des expériences. Non ?

WHAT I DO chante très mal sous la douche ※ a toujours un paquet de cigarettes dans sa poche en jean, même s'il a arrêté il y a 3 ans ※ pourrait passer son temps libre à lire ※ court tous les matins avec son chien - et parfois sa fille quand elle est motivée ※ se mordille toujours les lèvres lorsqu'il réfléchit ※ par contre, se passe toujours une main dans les cheveux quand il est mal à l'aise ou intimidé ※ est incapable d'écrire un mail en moins de 5 minutes, lui faut bien le double tellement il n'est pas informatique ※ vous ne le verrez jamais en costar-cravate, sauf exception obligatoire, il préfère de loin son jean et sa chemise toute simple ※ il a un tatouage à l'intérieur du poignet droit - sans femme en avait un sur le poignet gauche ※ il ne note jamais ce qu'il doit faire, ce qui le pousse à oublier assez souvent ※ il lui arrive de participer à des collectes pour une association qui lui tient à coeur - pour des enfants handicapés

" Vous n'avez absolument aucune idée de qui aurait pu lui vouloir du mal ? Absolument aucun indice qui pourrait nous orienter vers un quelconque suspect ? " me demandait-il encore, et encore. J'étais comme parti dans un autre monde. Un autre univers. Je n'étais absolument pas en état de pouvoir répondre de manière cohérente à ce flic, voilà ce que je savais. Je n'étais absolument pas en état de réfléchir. Et de penser à tous ceux qui auraient pu vouloir faire du mal à Jude. J'étais juste incapable de m'enlever l'image de son corps étendu dans notre salon. Inerte. J'étais incapable de penser à autre chose. Je soupirais, exténué et perdu. " Tout le monde aimait Jude. Tout le monde, " fut tout ce que j'arrivais à dire ce jour-là. Quelques heures après la découverte de son cadavre. J'avais passé la journée entière au restaurant, le Bellisario's était quelque peu réputé et se devait d'obtenir une cuisine irréprochable. Lorsqu'ils m'avaient engagé, ça avait été une opportunité unique pour moi et ma carrière - Jude et Ivy m'avaient soutenu dès le départ. On avait absolument tout pour être heureux et pour l'être aussi longtemps qu'on le désirait. Jude était assistante sociale et adorait son job - presque parfois par-dessus tout, comme j'aimais à le lui faire remarquer la plupart du temps. Elle levait les yeux au ciel, trouvant que j'exagérais. Non. Personne ne pouvait vouloir faire du mal à une femme comme Jude. Une femme qui donnait plus qu'elle ne prenait. Qui donnait sans rien attendre en retour. Qui se battait pour les plus démunis et les plus malheureux. Les aider. Qui aurait pu vouloir tuer une telle personne ?

Seulement, c'était bien arrivé. Elle était bel et bien morte. Elle ne râlerait plus en trouvant sur son passage des vêtements qui traînaient dans toute la maison. Elle ne crierait plus qu'il était l'heure de manger. Elle ne chanterait plus sous la douche comme une casserole. Elle n'aiderait plus Ivy dans ses devoirs. Je n'aurais plus droit et l'occasion de râler en sentant ses pieds gelés sur ma peau la nuit. Je n'aurais plus l'occasion de sentir son parfum et de voir son visage le matin au réveil. " Je suis désolé Monsieur Mills. Je vous promets que nous déployons absolument toutes nos ressources pour élucider le meurtre de votre femme. "

C'était il y a sept ans.


" Et pourquoi on est obligé d'aller vivre à Sydney ? Je fais quoi de mes cours, de mes amis ? Hein ? " Elle était énervée. Et je le comprenais bien. Si à 15 ans, on m'avait forcé à changer du tout au tout de ma vie, j'aurais râlé même presque autant qu'elle, si ce n'est pire. Elle avait le droit d'être en colère et de me haïr le temps du déménagement. On était bien trop proches pour que ça dure plus longtemps - ou que je ne le supporte aussi longtemps. Ivy était ce qui me restait de plus cher avec Parker. Parker, tout simplement parce que Ivy l'avait décidé. " On en a déjà parlé, Ivy. J'ai trouvé un endroit parfait à Sydney pour ouvrir mon restaurant. Je suis enfin prêt, et tu le sais. Alors, déteste-moi le temps que tu veux - pas trop non plus - et termine tes bagages. Tu vas adorer Sydney. " En outre, elle aurait l'occasion de passer plus de temps avec Clare - sa tante qu'elle adorait.

Clare vivait à Sydney depuis plusieurs années. Jude et elle avaient toujours été très fusionnelles en tant que soeur - tellement que je considérais Clare comme ma propre soeur. J'avais toujours su que l'on pouvait compter sur elle, et depuis cinq ans que Jude nous avait quitté - et que le tueur courait toujours - elle ne nous avait jamais laissé tomber. C'était grâce à elle que j'allais pouvoir réaliser un rêve d'enfant. Aussi longtemps que je puisse me souvenir, cuisiner avait été un hobby, une passion et un moment de pur bonheur me concernant. Mon père me disait souvent que j'avais appris à cuisiner avant même de savoir parler - bien évidemment qu'il exagérait mais c'était pour donner une idée de ce que la cuisine représentait pour moi. Et ouvrir mon propre restaurant avait été un rêve par la suite. Rêve difficile à réaliser, mais que je n'abandonnais. Et c'était Clare qui m'avait trouvé l'endroit parfait pour concrétiser mes projets. L'idée était plus que tentante. Quitter Albany pour la grande ville de Sydney. Changer de décor. Avancer. Passer à autre chose et découvrir de nouvelles choses. De nouvelles rencontres. Nous en avions besoin, Ivy tout autant que moi. Elle s'en rendrait compte un jour.


" Tante Clare a un drôle de comportement, tu ne trouves pas ? Sincèrement, papa, elle a changé depuis quelques jours... c'est comme si elle ne nous reconnaissait pas. " En effet, je l'avais remarqué. Un matin, Clare s'était réveillée et n'était plus la même. Oh, physiquement, elle n'avait pas changé. Mais son comportement, ses regards, ses gestes, tout avait changé. C'était comme si les cinq dernières années de sa vie avaient été effacées. Une amnésie que je ne discernais pas totalement et qui effrayait légèrement. Jusqu'à quand en serait-elle la victime ? Arrivera-t-elle à retrouver sa mémoire ? A se souvenir de ces deux dernières années ? Arrivera-t-elle à affronter de nouveau la mort de sa soeur ? Nous ?